Les Droits de l'Automobiliste ou le savoir-conduire bruxellois
Ce
qui va suivre est un petit manuel destiné aux touristes désirant aller
à Bruxelles en voiture. Les situations décrites ne sont valables qu'à
Bruxelles, le reste de la Belgique ne subissant pas ce genre de
désagréement (en tout cas, la chose n'est pas encore prouvée). Les
photos décorent et les plans illustrent les propos.
Pour conduire à Bruxelles, il y a
une règle principale et deux principes de base à savoir et à retenir en
toute circonstance. La règle, est la suivante : celui qui vient de la
droite a la priorité. Une priorité à droite donc, et alors ? Attendez
un peu... Les deux principes sont : n°1, les automobilistes bruxellois
ont le temps ; n°2, si j'ai le droit de le faire, je dois le faire.
C'est le principe n°2 qui est à l'origine de toutes les situations
véridiques décrites ci-dessous, et vérifiées par l'auteur ou par une source sûre à 100%. Je le dis une seconde fois, ce que vous allez
lire est VRAI.
Bruxelles et sa banlieue sont dix fois plus petites que
Paris et sa banlieue, en taille et en population. Néanmoins,
d'impressionnants embouteillages peuvent surgir au delà d'un carrefour
et durer une bonne quinzaine de minutes avant que la situation ne
s'améliorent. Parmi les nombreuses causes possibles et imaginables voici
les causes réelles.
1°) Le stationnement en double file.
Vous allez me dire : "Dans toutes les grandes villes, des gens
stationnent en double file !". C'est vrai, mais il y a une petite
subtilité à Bruxelles et plusieurs variantes. La subtilité, c'est la
façon dont les automobilistes doublent la voiture arrêtée devant eux
en
prenant en compte le "j'ai le droit de le faire, donc je dois le
faire". Lorsqu'une liberté devient un devoir, cela crée des situations
particulièrement caucasses. La première variante consiste à se mettre
en double file sur une rue à deux voies et à double sens. Le classique.
L'automobiliste de derrière va donc doubler la voiture arrêtée devant
lui car il veut continuer son chemin et puis, il a le droit de le
faire. L'automobiliste arrivant dans l'autre sens lui ne ralentit pas
parce que ce n'est pas de son côté que la voiture est arrêtée. Les
deux véhicules se retrouvent alors face à face à la hauteur de la
voiture en double file. En peu de temps, il y a des files de voitures
derrière celles-ci et l'on obtient des embouteillages. Comme aucun des
deux automobilistes bruxellois ne veut céder (parce qu'ils avaient le
droit de faire ce qu'ils ont fait), il faut attendre que la voiture en
double file reprenne son chemin pour que la situation se débloque.
Curieusement, personne ne kaxonne. Parce qu'ils ont le temps. La
seconde variante se situe sur la rue Rogier, avant le croisement avec
la rue des Palais, lorsque l'on se dirige vers l'ouest (allez sur
google map pour voir). A cet endroit de l'avenue, il n'y a que deux
voies et chacune sert aux voitures et au tramway (ligne 25). Imaginez
alors qu'un automobiliste s'arrête sur la rue pour une petite course
dans l'épicerie d'à côté. La même situation se reproduit mais avec un
tramway dans une des files. La circulation étant telle à cet endroit
qu'en seulement cinq petites minutes, les carrefours de la rue Rogier
avec la rue des Palais et avec la rue de la Poste sont bloqués et cela
peut s'étendre comme un virus informatique sur un réseau de PC.
2°) Le carrefour des trois plus un.
Imaginez un simple petit carrefour, deux rues à double sens qui
se croisent sans feu ni rond point. Aux heures de pointe, il n'est
pas rare à certains croisements, voir quatre voitures arrivent presqu'en
même temps. Chaque voiture cèdent alors la priorité à la voiture venant
de droite après avoir pris la priorité à celle venant de gauche. Ils
ont la priorité, ils arrivent de la droite, alors ils prennent cette
priorité parce qu'ils ont le droit. Et si ils ont le droit, ils le
font. Au final, le croisement est bloqué. Dans toutes autres grandes
villes du reste du monde, l'on entendrait dans l'instant un orchestre
de klaxons asourdissant et de noms d'oiseaux plombant les airs. Mais à
Bruxelles, non. Ils ont le temps. Donc on attend patiemment qu'un des
quatre cède. Une fois que l'un d'eux cède, les trois autres peuvent
alors passer dans l'ordre de leur droit et les voitures qui suivent,
passent alors dans le même ordre, car si l'une d'elles plus pressée (un
touriste sans doute) que les autres voulaient prendre le tour d'une
autre, la situation, la même recommencerait.
3°) Ma voiture et mon droit.
Comme la seconde variante du cas n°1, la troisième possibilité
n'arrive pas n'importe où. L'endroit où le cas se produit de manière
régulière est sur la photo ci-dessous. Il s'agit des croisements que la
rue de la Consolation a avec la rue Monrose et avec
l'avenue Paul Deschanel. La scène se passe vers 8h45, un jeudi matin.
Une voiture venant de l'est (de la droite) sur la rue de la Consolation
veut tourner à gauche Avenue Paul Deschanel. Elle se place alors au
carrefour (sans clignotant mais parfois avec) et attend que plus aucun
véhicule n'arrive. Mais il y a de la circulation. Derrière elle, les
voitures commencent à s'accumuler. venant de l'ouest (de la gauche),
une voiture arrive et souhaite tourner à gauche rue Monrose. Elle fait
de même et attend qu'aucune voiture ne se présente devant elle. De
chaque côté de la rue, les voitures avancent autant que possible,
jusqu'à ce mettre à la hauteur des voitures souhaitant tourner à
gauche. C'est normal : elles avaient le droit d'avancer jusque là alors
elles ont avancé jusque là. Les autres voitures ont le droit de tourner
à gauche, mais elles n'ont pas la priorité alors elles ne comptent pas.
Ce qui est également extraordinaire c'est la façon dont la situation se
débloque. Certes les automobilistes bruxellois ont le temps, ils ont
aussi des obligations et doivent aller au travail le matin
(ils ne roulent pas dans la ville uniquement pour s'amuser), il faut
donc qu'ils avancent. Et pour qu'ils avancent, il faut que l'une des
deux voitures voulant bifurquer, cède. Il faut que l'automobiliste
bruxellois cède et tourne au prochain croisement. C'est l'UNIQUE
solution à cette incroyable situation.
Avant
de vous lâcher dans la vile, il y a encore une importante chose à
savoir : roulez en 4x4 !!! Curieux de la part d'un adepte du vélo ou
des transports en commun à Paris, non ? Mais Bruxelles n'est pas dans
le "plat pays" et c'est composé d'autant de collines que Rome (Arx tarpeia Capitoli proxima,
je te laisse la traduction, tu es très fort en latin) mais avec le
climat de Bergen. Pour les transports en commun, c'est bien, pratique,
mais trop soumis aux automobilistes donc risqué en cas de timing serré.
Donc un 4x4. Parce que la chaussée est plus escarpée qu'un chemin
crétois. Le meilleur exemple que je puisse vous donner est la rue des
Palais à la hauteur la place Masui (photo), la route est dans le même
état que ces ruines... Parfois, la chaussée peut sembler parfaite, mais vous trouverez deux petites tranchées non signalées coupant la rue ! L'autre
piège est issu du concours entre les voiries des communes qui forment
Bruxelles. Ces voiries essayent d'obtenir le prix
de la plaque d'égout la plus basse par rapport au niveau de la route.
Sur certaines quatre voies, les plaques
d'égout sont entre cinq et dix centimètre en deça de la chaussée et
obligent alors les automobilistes à zigzaguer !!!